Ville de Salies-de-Béarn
Création d'une œuvre artistique par le sculpteur Regis POCHELU
L’histoire de Salies de Béarn demeure intrinsèquement liée au sel : il en est le ferment. Sa présence sur ce territoire peut être perçu comme « un cadeau » de Dame-Nature, une richesse que les humains ont su découvrir et utiliser, il est appelé « l’Or blanc ». C’est tout naturellement que dans le paysage salisien, des spécificités liées à l’histoire de la communauté formée autour de ce trésor sont visibles et mis à l’honneur. Que ce soit architecturalement dans la configuration des maisons dite « en escargot » autour de la source, dans les anciennes maisons d’habitation avec par exemple le « coudélé », (auge de pierre au pied des maisons où l’eau s’écoulait dans un conduit en bois menant au « duli », réservoir d’eau circulaire), socialement avec la particularité de la Corporation des Parts-Prenants (création d’une société d’intérêt commun dès le XVIième siècle), avec des accessoires spécifiques, tels le sameau (sorte de sceau de 82 L. servant à transporter l’eau salée), artistiquement comme la sculpture « La Prauba Muda » du sculpteur Tisne en 1875, ou la fontaine avec son sanglier se référant à « la légende du sanglier et des chasseurs ». Ces éléments sont connus et reconnus, présents sur le territoire y compris sur le blason de la ville.
Bien qu’implicite dans tous ces symboles, Mère-Nature n’est pas « spécifiquement » mise à l’honneur, ni sa dimension « sacrée ». C’est pourquoi je souhaitais axer mon expression autour de son incarnation et peut-être, matérialiser son omniprésence et son omniscience pour permettre à chacun de venir se ressourcer près d’elle, la contempler, la toucher, lui adresser ses « prières » dans le sens agnostique du terme, la remercier, se nourrir de son énergie…
Choix du thème de la sculpture : « Mère-Nature, appelée également Déesse-Mère : sa magie ».
Il s’agit d’un domaine qui a une résonnance particulière à mes oreilles puisqu’il fait parti du fondement de mon choix de vie artistique, ma première source d’inspiration. Je souhaite mettre en avant le Principe Féminin, celui que nous avons (homme et femme) en chacun de nous, celui qui développe l'intuition, celui qui est amour inconditionnel, celui qui est sensibilité, empathie, guérison, créativité, intelligence émotionnelle. Rendre hommage à Mère-Nature, celle qui nous fait naître, nous nourrit, nous soigne, nous conserve, nous fait renaître…
Le minéral est pour moi une structure de base universelle, un socle dans tous les sens du terme au-delà de notre propre squelette. j’ai naturellement choisi d’utiliser la pierre que j’avais « devant ma porte » comme médium artistique privilégié : le grès. Celui-ci compose la majeure partie des montagnes basques. Cela est vraisemblablement dû à l’héritage de à nos ancêtres qui ont laissés leurs traces sur du minéral alentour… Le grès utilisé pour mes créations est principalement celui de la Rhune (seule carrière de grès du territoire), il est à lui seul une source d’énergie puissante (le grès est utilisé en bioénergie pour dynamiser les lieux).
Matériaux
Sur le site des Grandes Carrières de Grès de la Rhune, il s’avère qu’actuellement, ils ne sont pas en mesure de fournir un tel bloc en termes de dimensions monobloc de 200x120x80cm. Le délai pour en trouver d’une telle taille est malheureusement trop aléatoire pour garantir une livraison dans les temps.
Afin de conserver les mêmes caractéristiques citées dans ma note d’intention, j’ai dû chercher un autre grès à proximité : Située à environ 160km de la carrière de la Rhune se trouve celle de la montagne Moncayo, proche du village Gotor, situé dans la province d'Aragon (également d'origine du Trias -200/300 millions d'années). En termes de couleur et d’aspect, c’est aussi le grès le plus proche de celui de la Rhune, et, après contact, ils ont la possibilité de fournir les bonnes dimensions dans les bons délais.
Ce grès, en tant qu’éléments naturels, répond en tous points au cahier des charges en termes de longévité et de sécurité. L’œuvre sera réalisée en conformité avec les règles d’hygiène, de sécurité et de protection de l’environnement en vigueur.
Présentation de l’œuvre
La sculpture de pierre est monobloc et dressée sur une hauteur de 2 mètres fixée à même le sol. Comme un jaillissement de richesses souterraines dans un environnement minéral calcaire, elle incarne de cette manière sa dimension « menhir » dans le sens ancestral « d’incarnation de Mère-Nature sur Terre ». Elle est une allégorie féminine à travers ses formes harmonieuses et voluptueuses, sa douceur telle une gemme (qui est aussi le nom courant de l’halite – sel gemme de Salies, mais également le nom d’une pierre roulée par les eaux de rivières). D’une couleur blanche étonnamment similaire à celle du sel, elle s’harmonise dans l’espace verdoyant et minéral du Parc. Les éclairages nocturnes développent une autre vision de la sculpture, prompte à éveiller l’imaginaire…
Pour représenter Mère-Nature, j’ai choisi une forme qui recèle à elle seule cette dimension « magique » : le Nautile. En effet, celui-ci est souvent utilisé comme « symbole de la Nature », notamment à travers sa construction graphique : on y trouve la suite de Fibonacci (mathématicien du XIIème siècle), qui fait apparaître la constante « phi » appelée « nombre d’or » ou encore « proportion divine », utilisé par « les bâtisseurs de Cathédrale ». Mais la référence à la forme du nautile ne s’arrête pas là : l’acheminement de l’eau salée a joué un rôle déterminant dans l’architecture de la ville qui a adopté une configuration dite « en escargot » à partir du lieu de l’actuelle Place du Bayaà : source d’origine.
J’ai ensuite voulu exprimer ce « cadeau » de la Nature, comme « un enfantement », sortant de son « antre ou de son ventre ». Les cristaux de sel sont représentés en gros plan, laissant apparaître un ensemble de cubes empilés de manière empirique. Le cube est en symbolique une expression de stabilité et de perfection. Le contraste entre les lignes cubiques et les courbes forme un sentiment de « totalité ». Je souhaitais à travers elle, mettre en avant cette spécificité des Eaux-Mère de Salies qui concerne le traitement de l’infertilité des femmes. J’ai lu dans les témoignages : « pour toutes ces femmes en mal de maternité, devenir maman, c’est presque un miracle, et l’eau salée une eau miraculeuse » ; « Les femmes viennent trouver une réponse à l’infertilité inexpliquée, quand on sait qu’il n’y a pas d’obstacle anatomique, mais qu’on ne comprend pas pourquoi ça ne marche pas, les eaux de Salies peuvent aider ». La forme de la sculpture veut évoquer le « principe féminin », celui qui nous rassemble en tant qu’être vivant.
Indéniablement, elle affiche un sentiment de protection maternelle, universelle.
Croquis d'origine du Projet de création pour la ville de Salies de Béarn